dimanche 28 février 2010

Le nez du coati, qu’on se le dise...

Feuilles qui bougent, branches qui craquent, becs qui tambourinent ou vocalises qui résonnent : les cris et bruits du sous-bois sont souvent les premiers signes de présence des animaux que nous recherchons sans relâche. Ce jour là, dans les forêts de la réserve de Biosphère Maya, quelqu’un semble fouiner la litière à la recherche d’un insecte, d’un champignon ou d’un fruit. Une longue queue touffue et redressée se laisse apercevoir, puis une seconde, une troisième…c’est en réalité tout un groupe qui traverse le sentier, sans grande discrétion.

Ils sont plus de trente, évoluant à la fois au sol et dans les arbres. Ce sont des coatis à nez blanc (Nasua narica), certainement des femelles et leurs jeunes car les mâles adultes sont en général solitaires dès leur deuxième année. Le coati est un mammifère de la famille du raton-laveur. Son museau long et pointu, sans cesse fourré sous les feuilles au sol, permet de comprendre l’étymologie de son nom latin: nasus signifiant le nez et naris la narine.

Nous nous figeons sur place, l’appareil photo et la caméra toujours en bandoulière. Pendant près de 20 minutes, le groupe s’active tout autour de nous, sans prêter grande attention à notre silencieuse activité de paparazzi. Puis vient l’erreur. Je trébuche à cause d'une branche mal rangée au milieu du sentier… Le vacarme de ma quasi chute et les rires de Marie-Anne ont pour effet de faire fuir la marmaille à la vitesse d'un boulet de canon ! Qu’importe pour cette fois, nous savons que le coati est présent sur toute l’Amérique centrale et nous sommes convaincus que nous serons amenés à recroiser cette boule de poils…

jeudi 18 février 2010

L'araignée-loup, mère-poule

Sous les tropiques, la nuit tombe vite et tôt. En quelques minutes le noir absolu règne dans la jungle, offrant au naturaliste un nouvel univers de prospection, à la fois inquiétant et passionnant. Le meilleur moyen pour observer la faune nocturne est de se munir d’une lampe frontale ou d’utiliser sa torche à hauteur des yeux. Cette astuce a l’inconvénient d’attirer des paquets de minuscules insectes indésirables sur notre visage (certains finissent au fond de la gorge…) mais elle permet de voir le reflet des yeux des animaux bien dissimulés dans la végétation.Au sol, il est ainsi possible de voir briller des dizaines de points bleus. Ce sont les yeux des araignées-loup, autrement appelées lycoses. Ces arachnides atteignent ici 10 cm mais ne sont pas dangereux. Le soleil couché, les lycoses quittent leur cachette pour une partie de chasse à l’affût, à la recherche de toutes sortes d’invertébrés dont le chemin passerait suffisamment proche de leurs chélicères.

Prendre le temps de regarder ces prédateurs digérer la chair de leur victime est toujours captivant, mais le comportement le plus bluffant que nous ayons observé est celui d’une femelle transportant sa progéniture : des dizaines de juvéniles qui recouvrent son corps sur plusieurs couches, de l’abdomen jusqu’à ses yeux. A la fois mère-porteuse et mère-poule, la femelle veille sur sa portée avec une attention exemplaire. Jean-Henri Fabre, dans ses Souvenirs entomologiques, s’était déjà régalé à décrire cette «draperie animale» avec les lycoses de Narbonne: « Nulle part ne se trouverait spectacle familial plus édifiant que celui de la Lycose vêtue de ses petits. »

lundi 8 février 2010

Les crochets mortels du fer-de-lance

Voilà près de trois semaines que nous séjournons dans la station biologique Las Guacamayas, dans le parc national Laguna Del Tigre, au nord du Guatemala. Chaque fois que nous partons de nuit pour « traquer de la bébête », les mises en garde du personnel sont toujours les mêmes : « Attention au serpent barba amarilla ».

Nous savons que dans les villages isolés, la faune de la forêt tropicale fait encore l’objet de nombreux mythes. Si la plupart restent pour nous farfelus (comme celui du jaguar mangeur d’homme), il est toujours bon d’écouter les conseils des locaux avant de partir dans la jungle.

La barba amarilla est le nom local donné à la vipère fer-de-lance (Bothrops asper), un serpent terrestre très redouté dans toute l’Amérique centrale. Beaucoup de paysans ne sortent pas la nuit de peur de croiser son chemin. S’ils racontent, à tort, que ce reptile suit la lumière, cette vipère reste néanmoins agressive, ultra rapide et sa morsure est fatale : cette fois, ce n’est pas une légende !

Sur nos trois premières sorties nocturnes, nous rencontrons le fer-de-lance à quatre reprises. Je manque d’en écraser un, Marie-Anne en décèle un autre juste devant notre chambre, sous notre serviette de bain tombée au sol. Nous restons le plus vigilant possible car nous savons que le plus dangereux n’est pas de se faire attaquer directement par le serpent, mais plutôt de le surprendre, ce qui entraîne chez lui un réflexe de défense. Désormais, chaque fois que l’un de nous photographie ou filme un animal de nuit, l’autre a pour mission de surveiller les environs…